• Moulin 1995

    L’Est Républicain du 25-10-1995.

    Les Tréteaux volants atterrissent au Moulin
    Une troupe un peu particulière se présente ce soir sur les planches du théâtre du Moulin. Rencontre avec les acteurs.
    Un « vrai théâtre ». Pour la première fois, les jeunes acteurs des « Tréteaux volants » quittent les traditionnelles salles des fêtes et montent sur des vraies planches. Un mini-événement pour cette troupe venue de Paris présenter son nouveau spectacle : une dizaine de pièces en un acte, choisies « au hasard des circonstances »é pour l’humour qu’elle contiennent et « pour faire connaître leurs auteurs ».
    Si les Tréteaux volants se sont déjà produits en Lorraine en 1991, c’est bien la première fois qu’ils se présentent devant le public toulois. C’est une petite troupe un peu particulière qui envahit ce soir la scène du théâtre du Moulin : composé de trois mal-voyants, deux aveugles et une seule voyante, le groupe entend bien montrer, par le biais du théâtre, ce dont les non-voyants sont capables…
    Se repérer par le bruit
    A terme, l’objectif de la troupe est de « favoriser l’intégration des aveugles par le théâtre, de développer les échanges avec les voyants et de montrer que les non-voyants sont des êtres humains à part entière » souligne Armelle Ricard, fondatrice et responsable des Tréteaux Volants.
    Un programme ambitieux, parfois difficile à réaliser : « les rendez-vous manqués avec les voyants sont légions », déplore la dynamique responsable de la troupe, elle-même non-voyante. Tout en reconnaissant que toutes les troupes de théâtre connaissent des défections en masse.
    Mais l’intégration des voyants dans le groupe lui-même n’est pas toujours aisé : « Malheureusement, des clans se forment. Arianne est la seule voyante qui a pu s’intégrer sans problème, ce qui est vraiment dommage car les échanges sont vraiment très stimulants »déplore Armelle Ricard.
    Jolie blonde arrivée dans la troupe il y a un an, Arianne Frappier est aujourd’hui toute seule pour aider ses copains des Tréteaux à faire face aux multiples petits détails d’un spectacle en préparation. Guider ses amis lors des repérages sur la scène, leur indiquer où est placé le banc, donner son avis sur l’expressivité de leur visage et la justesse de leurs gestes. Une tâche qui ne semble pas l’impressionner outre mesure : « Maintenant je ne fais plus attention à leur handicap, je n’y pense même pas. Et puis, je trouve que les non-vouyants jouent énormément de leur voix, qu’elle est souvent très expressive et que cela les sert dans leur jeu d’acteur. »
    La voix, les bruits de pas, la respiration du partenaire sur scène : tous ces petits indices, ces repères indispensables, les non-voyants les utilisent avec finesse. « Il suffit parfois d’un éternuement dans le public pour perturber l’acteur » souligne Armelle Ricard.
    Et puis l’adaptation à toute nouvelle salle prend du temps : il faut d’abord faire le tour de la pièce en suivant les murs pour repérer les dénivelés et les entrées sur scène, s’imprégner de la sonorité du lieu, etc. Mais les acteurs des Tréteaux volants sont tous de vrais acteurs : pas question de réclamer quoi que ce soit. « C’est à nous de nous habituer ».
    Sabine Estivalet
    Spectacle de 18 pièces en un acte, ce soir au théâtre du Moulin, à 20H45, et vendredi 27 octobre. Avec Patrick Crespel, Armelle Ricard, Sophia Siline, Arianne Frappier, Sandra Cambusat, Céline Dos Santos.
    Photo : Avant le spectacle : les repérages un peu plus longs que pour les autres.